Des fois, je flippe.
J’ai peur que ce jeu devienne lobotomisé, encarté, uniformisé, vendu. Mes craintes ne portent pas sur les styles de jeu, mais sur ce qui l’entoure. Pas du terrain, des caméras.
Après France – Nouvelle-Zélande par exemple, j’ai revu le match en suivant sur Eurosport, et j’ai été désagréablement surpris.
D’abord, pour constater un point que je n’ai pas depuis éclairci. Pendant le match en direct, je me souviens avoir distinctement vu à l’entrée de Chabal un plan montrant Ali Williams faire opportunément une mimique avec sa mâchoire. Bizarrement, cette image n’y était plus lors de la rediffusion sur Eurosport… Quelqu’un peut confirmer ? Quelqu’un peut m’expliquer ? Parce que j’ai peur de comprendre. Faut que j’en cause avec Aldous, un copain de là-haut, ça va l’intéresser.
Bref.
Ensuite, il s’est passé quelque chose qui m’a glacé d’effroi. Au « milieu de la première mi-temps » comme dit qui vous savez, coupure pub. Pareil en seconde : la TV française vient d’inventer le quart temps.
Ça vous fait pas flipper ça ? Pfou, moi oui.
Ne rien se laisser imposer, ni sur les formats, ni sur les règles, ni sur l'essentiel de l'ovale.
C’est dit et redit : cette coupe du monde n’est pas bien couverte par TF1. C’est-à-dire pas assez, et maladroitement. Qu’attend-on d’ailleurs pour composer un trio pour les prochaines retransmissions pour qu’enfin, un avant compétent explique au public les phases de jeu des avants ? Franchement, ça ne serait pas de trop. Je ne sais pas s’il faut que Bernard Laporte change sa composition d’équipe, mais pour celle de Charles Villeneuve, ça devient urgent ! D’ailleurs, le responsable des sports de TF1 n’avait-il pas évoqué de faire « monter » Champ s’il se débrouillait bien dans les autres directs délaissés par Giraldi – Lacroix ? Et Fabrice Landreau ? On pourrait pas le prendre plus souvent à l’antenne ?
Au fait : j’avais laissé entendre ici que la FFR était à l’origine de ce choix de TF1, en fait c’est l’IRB. Autant pour moi.
La précision n’est d’ailleurs pas anodine, car mon regard sur Bernard Lapasset a changé. Comme Laporte, il a un grand dessein. On verra si, quand il y sera dans ce fauteuil présidentiel de l’IRB, il se contentera de dire « J’y suis ! », ou préfèrera se dire « Tout commence ! ». Je suis peut-être d’une nature optimiste, mais j’ai tendance à me dire finalement que ça peut être une bonne chose. Je ne crains pas une uniformisation du jeu venue de l’intérieur, par les entraîneurs, les joueurs, les compétitions, les enjeux etc. Extérieure oui. J’y reviendrai la semaine prochaine, fin de la parenthèse.
Sur le rugby en lui-même par contre, j’entends beaucoup de discours inquiets, mais je garde terriblement confiance en ce jeu et en ce que vous en faites. Il se renouvelle, il n’a jamais cessé de se renouveler.
On dira ce qu’on veut, mais le cœur, la défense et les phases statiques, même si on ne peut pas résumer le rugby à ça, resteront toujours la base. Ce qu’ont fait Anglais et Français sur ce plan est incroyable, Boks et Argentins dans la logique des choses. Ce que les quatre vont faire ce week-end, pfou…
J’ai mal au cœur pour les Néo-Zélandais qui sont la substantifique mœlle de ce sport. Même s’ils ont pêché sur l’essentiel, j’ai confiance en eux. Et puis, il faut qu'ils se bougent (enfin, après qu'ils aient bien récupéré de leur séjour au bar samedi dernier où ils ont noyé leur déception : la note était de 17.000 euros !), rien n'est acquis, rien n'est perpétuel même pour eux.
Confiance aussi en ces joueurs des îles qui nous ont enchanté. Là aussi, le rugby mondial, et les Tri-Nations en premières, et les Blacks en premiers (qui ne peuvent se contenter de s'en servir de réservoir) doivent s’ouvrir vers elles. La France veut faire bouger les choses : il semble que la FFR soit sur le point de conclure pour 2008 une rencontre internationale avec les Pacific Islanders, une sélection des Fidji, Samoa et Tonga.
Le rugby argentin a d’ores et déjà réussi son coup, marqué l’histoire. Comme le Cameroun en foot. Mais avec une bande de furieux qui me fait diablement (Oh pardon !) penser au XV inchangé de Fouroux en 1977. D’ailleurs, c’est lui qui me souffle la comparaison, c’est vous dire. Ce groupe vit une sacrée aventure.
Et puis le rugby européen aussi me donne beaucoup à espérer.
Je n’ai pas compris qu’on résume le jeu anglais contre les Wallabies à un net ascendant devant et à l’influence de Wilkinson. C’est la base, le principal, ok. Mais la Rose a quand même produit beaucoup de jeu en première mi-temps. Et rappelez-vous aussi qu’à Twickenham cet hiver, ils vous ont pris au large.
Idem pour la France. Tactiquement, la patte de Laporte est magistrale, même si, comme il le dit lui-même, c’est l’engagement des joueurs qui a tout fait. On aime ou on n’aime pas, mais on se décoiffe svp ( Ah, c'est vrai, vous ne portez pas de chapeau. Je ne comprends pas comment vous pouvez faire… Enfin bon, on dire pour être dans le coup, "On aime ou on n'aime pas, mais respect."). Je suis surpris d’avoir lu cette semaine des anciens joueurs consultants reconnaître leurs erreurs d’appréciation (il n’y a d’ailleurs aucune honte à ça, d’autant que l’avenir était quand même sombre il y a une semaine ! Et hop, c’est tout bleu maintenant… Les Frenchies sont quand même marrants. Ok, Ok Armand, je reviens à nos moutons) mais en occultant son rôle. Genre : « On s’est fait chié pendant une mi-temps puis les joueurs ont pris la direction des opérations ». Désolé, je ne crois pas que ce soit passer comme ça.
Certains le comparent à Aimé Jacquet parce que 1998, mais je trouve qu’il a beaucoup plus du Domenech. D’ailleurs, lui aussi est un petit peu foldingue.
Laporte est aussi par certains côtés terrifiant. Prêt à tout comme Fouroux. déterminé comme Mias. Pragmatique et fédérateur. Opportuniste et affairiste aussi sans doute, mais c'est autre chose.
J’avais dit il y a quelque temps qu’il était capable de gagner la coupe du monde et que c’est justement ce qui m’inquiétait (« Ashton - Laporte, même combat », 14/08).
C’était mal poser le problème en fait. Sa tactique n’est pas du tout en train de pourrir le rugby. Idem pour les Anglais, les Argentins et les Sud-Afs. Il y a toujours eu plusieurs rugbys, tous évoluent, tous renaissent, et tous d’ailleurs ne sont pas morts, on le verra avec les éclats de ce week-end.
Je suis assez épaté par sa stratégie, ou ce que j’essaie d’en deviner. Cette idée d'un groupe de 30 du début à la fin est la base de tout, de la sélection dans les 30 de tel ou de tel, jusqu'à ce repas de ce soir entre les costards-cravates et Maso.
L'invention de l’impact-player Michalak, Chabal, Szarzewski, c’est-à-dire de la dynamite après une heure de coups de pied et de contacts, ce n’est rien d’autre que retrouver les basiques de ce jeu, du moins jusqu’à ce qu’on invente le coaching : éprouver l’adversaire, physiquement et psychologiquement, avant que de lâcher le coup qui tue.
Le coup des huit joueurs les plus importants, c’est pas mal non plus. Je crois vraiment que cette formule non plus n’en est pas une, qu’elle révèle une vérité profonde. Les joueurs qui feront gagner le Tournoi, si la France y arrive, seront dans ces huit, et c’est entendu depuis le début. Je ne crois pas par exemple que Bruno soit le troisième talonneur du groupe. Il est le remplaçant d’Ibanez pour la compétition, Szarzewski l’étant sur le match. Ça veut dire que si Ibanez se blesse pour une éventuelle finale, c’est Bruno qui débutera et Szarzewski qui sera sur le banc pour entrer en cours de match. Pareil pour Nallet qui débuterait la finale si Pelous venait à se blesser et la France à se qualifier. Et Chabal resterait sur le banc.
Bon, cette lecture n’engage que moi mais j’en mettrai ma main à couper (d’autant qu’elle ne risque plus grand-chose) que le groupe est géré ainsi. Vu les morceaux qui se profilent et comme Laporte et ses joueurs savent très bien qu’il faut gagner trois gros tests consécutifs, j’estime qu’avoir un tel banc en tribune est un luxe qui se révélera décisif, quelque soit la finale que la France jouera la semaine prochaine (la grande ou la petite ?).
De toute façon, sur ses choix, moi je ne dis plus rien : il a les clés du camion, on fera le point quand tout ça sera fini. Et s’il sélectionne Maso à la place de Marty, et Lapasset à celle de Pelous, je dis : « Pourquoi pas ? ».
Il y a un autre point. Il n’y pas que les Blacks et les gars du Pacifique qui me font espérer dans le jeu, la France aussi. Voyez le 1/4 de samedi : cette victoire française, elle est fondée finalement sur une synthèse du jeu du Stade français qui a marqué les débuts de Bernard Laporte, et celui du Stade toulousain, construit sur deux décennies par Guy Novès. Je ne pense pas que ce soit le fruit du hasard. L'utilisation d'un Michalak par exemple. Ou celle d'un Dussautoir à qui il a fallu un temps d'adaptation, comme il l'a fallu à Betsen à une époque. Le match que Dussautoir a fait samedi, me fait penser à celui qui avait révélé Serge Betsen fin 2001, lors d'un homérique France - Australie à Marseille. Je ne souhaite pas aux Anglais que Dussautoir joue contre eux samedi comme Betsen l'avait fait les mois qui suivirent lors du Tournoi 2002, lorsque Jonny était sorti du terrain dégoûté.
Bon, évidemment, quand je parle d’une synthèse entre les deux, je ne pense pas à ça. Mais plutôt à ça.
Un pronostic ?
On dit que ça va être serré. J’ai d’ailleurs appris aujourd’hui par les plus optimistes qu’en cas de match nul, il y aurait deux mi-temps de prolongation, la première normale, la seconde en mort subite. Puis, concours de pénalités…
Je crois pour ma part, qu’il n’y aura pas photo.
Un des deux demis d'ouverture ne va pas pouvoir s'exprimer. Et si au départ, Wilkinson est plus expérimenté que Beauxis, côté remplaçant, Michalak l'est davantage que Barkley ou Flood.
Qui vivra verra !
En attendant, ça chambre !